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La chaleur fatale et la décarbonation dans l’industrie

Publié le 02/02/2024      4 minutes de lecture

Malgré un potentiel intéressant, la chaleur fatale reste majoritairement absente des politiques de l’Etat pour atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050.

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Chaleur fatale : grande oubliée des efforts de décarbonation dans l’industrie ? 

Le secteur de l’industrie représente plus de 21 % des consommations énergétiques en France, et l’ADEME estime à 20 % le potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans l’industrie à l’horizon 2030, notamment par une meilleure exploitation de la chaleur fatale et une valorisation thermique à deux niveaux :  

  • En interne, pour répondre aux besoins de chaleur propres à l’entreprise industrielle ; 
  • En externe, pour répondre aux besoins de chaleur d’autres entreprises ou de logements dans le territoire via un réseau de chaleur. 

Malgré un potentiel intéressant, la chaleur fatale reste majoritairement absente des politiques de l’Etat pour atteindre l’objectif de neutralité carbone en 2050.  

Chaleur fatale : de quoi parle-t-on, exactement ? 

La chaleur fatale, parfois désignée sous le nom de « chaleur perdue » ou « chaleur résiduelle », désigne l’énergie thermique générée par un processus industriel ou commercial qui n’est pas récupérée ou utilisée et qui, par conséquent, se dissipe dans l’environnement.  

Cette forme de chaleur est un sous-produit souvent inévitable des processus thermodynamiques comme la production d’électricité, les processus industriels et le chauffage ou le refroidissement dans les bâtiments commerciaux et résidentiels. 

La chaleur fatale et les deux premiers principes de la thermodynamique  

Selon le premier principe de la thermodynamique, l’énergie ne peut être ni créée ni détruite, mais seulement transformée d’une forme à une autre. Dans de nombreux processus industriels, une partie de l’énergie est convertie en « travail utile », tandis que le reste est souvent dissipé sous forme de chaleur.  

Cette dissipation est une conséquence inévitable de l’inefficacité inhérente à tous les processus énergétiques réels, due en partie au second principe de la thermodynamique, qui stipule qu’aucun processus impliquant une conversion d’énergie n’est parfaitement efficace. 

La quantification de la chaleur fatale implique généralement la mesure de la température et du flux de chaleur au point de rejet. La température de cette chaleur perdue est un facteur clé déterminant son utilité potentielle.  

La chaleur fatale à haute température, la plus « valorisable » 

On classe la chaleur fatale en trois grandes catégories en fonction de sa température :  

  • Chaleur fatale haute, à plus de 400 °C ; 
  • Chaleur fatale moyenne, dont la température est comprise entre 100 – 400 °C ; 
  • Chaleur fatale basse, à moins de 100 °C.  

La chaleur fatale à haute température offre le plus grand potentiel de récupération et de réutilisation car elle peut être utilisée directement dans des processus industriels ou pour générer de l’électricité.  

La chaleur à basse température est plus difficilement exploitable dans la mesure où sa récupération et sa réutilisation sont coûteuses et ne se justifient pas sur le plan économique.  

Par conséquent, lorsque l’on parle de valoriser la chaleur fatale dans l’industrie, on parle quasi-exclusivement de la chaleur fatale à haute température. 

État des lieux de la chaleur fatale dans l’industrie en France 

Selon l’ADEME, le potentiel total de chaleur fatale dans l’industrie française est estimé à 109.5 TWh, ce qui représente un peu plus de 36 % de la consommation totale de combustibles de l’industrie. De cette quantité, 52.9 TWh sont perdus à une température supérieure à 100 °C.  

Ce potentiel de chaleur fatale doit être majoré de 8,4 TWh rejetés par les unités d’incinération d’ordures ménagères (UIOM), les stations d’épuration des eaux usées (STEP) et les Data Centers. Il faut également ajouter environ 16,7 TWh de chaleur fatale à plus de 60° C identifiée à proximité de réseaux de chaleur existants. Ce potentiel représente l’équivalent énergétique de plus de 1,66 million de logements. 

La moitié du gisement national de chaleur fatale se concentre dans cinq régions industrielles : 

Région 

Description 

Nord-Pas de Calais 

Une très forte contribution de la sidérurgie dans le gisement de chaleur fatale (1ère et 2e fusion et production de ferroalliages notamment). Quasiment tous les secteurs industriels sont représentés dans la région. 

Provence-Alpes-Côte d’Azur 

La chimie et le raffinage contribuent à hauteur de 60 % du potentiel de chaleur fatale dans la région. 

Haute-Normandie 

Cette région présente un profil similaire à la Provence-Alpes-Côte d’Azur pour la chimie, avec toutefois deux spécificités : un secteur papetier plus important et un secteur des minéraux non métalliques plus modeste. 

Rhône-Alpes 

Il s’agit d’une région industrielle plus diversifiée. La chimie et l’industrie des minéraux concentrent toutefois plus de la moitié du potentiel régional. 

Lorraine 

La Lorraine se distingue par l’importance de son industrie du papier – carton et du secteur de la mécanique et de la fonderie. La chimie est également bien représentée. 

Valorisation de la chaleur fatale industrielle : que dit la loi ? 

Malgré un potentiel intéressant, la valorisation de la chaleur fatale industrielle n’est pas véritablement à l’honneur dans l’arsenal législatif relatif à la décarbonation et à la transition environnementale en France et dans l’Union Européenne. 

La législation spécifique à la chaleur fatale en France se résume en effet à la transposition de la directive européenne 2012/27/UE relative à l’efficacité énergétique. Le cadre juridique français pour la valorisation de la chaleur fatale dans les réseaux de chaleur et de froid est défini par le décret n°2014-1363 du 14 novembre 2014 et l’arrêté du 9 décembre 2014 : 

  1. Décret n° 2014-1363 du 14 novembre 2014 : ce décret transcrit l’article 14.5 de la directive 2012/27/UE. Il concerne le raccordement d’installations productrices d’énergie fatale à des réseaux de chaleur ou de froid. L’objectif est d’encourager la valorisation de la chaleur fatale issue des processus industriels et de réduire ainsi le gaspillage énergétique ; 
  1. Arrêté du 9 décembre 2014 : cet arrêté complète le décret en précisant les catégories d’installations concernées par l’obligation de réaliser une analyse coûts – avantages sur les projets de récupération de la chaleur fatale. Cette analyse est requise pour les installations d’une puissance thermique totale supérieure à 20 MW et vient évaluer l’intérêt de valoriser la chaleur fatale à travers un réseau de chaleur ou de froid. Cette analyse doit comprendre une description de l’installation et de la solution de valorisation envisagée, ainsi qu’une évaluation économique et financière sur 20 ans. 

Chaleur fatale dans l’industrie : quels enjeux ? 

L’industrie pèse plus de 21 % dans la consommation d’énergie nationale et reste, par définition, le secteur qui produit le plus de chaleur fatale à haute température, que l’on peut donc exploiter plus ou moins facilement.  

Mais au-delà des économies d’énergie qu’elle permet, la valorisation de la chaleur fatale dans l’industrie permettra de stimuler l’innovation verte, de participer à la dynamisation industrielle et de soutenir la compétitivité des entreprises en réduisant le coût de revient énergétique. 

L’ADEME résume les enjeux de la valorisation de la chaleur fatale dans l’industrie en trois points  

  • A l’échelle de la France, elle participe à l’indépendance énergétique et à l’atteinte des objectifs en matière de décarbonation et de réduction des émissions de gaz à effet de serre ; 
  • A l’échelle du territoire, la chaleur fatale récupérée peut être utilisée pour les besoins en énergie d’un bassin de population plus ou moins important. Elle s’inscrit également dans la politique de souveraineté énergétique locale et contribue à la lutte contre le réchauffement climatique ; 
  • A l’échelle du site industriel, elle contribue à la compétitivité de l’entreprise en baissant son coût de revient énergétique et renforce sa politique RSE. 

L’ADEME rappelle dans son rapport sur la chaleur fatale industrielle que la non-exploitation de cette source d’énergie peut coûter doublement cher :  

  • Sa production a coûté de l’argent avec l’achat de combustible et le fonctionnement de l’outil industriel ; 
  • Une fois cette chaleur rejetée, elle doit être refroidie pour des raisons techniques (par exemple pour le traitement des fumées) ou réglementaires (réduire la température de rejet des eaux usées notamment). 

En somme, l’entreprise industrielle paie doublement pour une énergie inutile 

Quelles aides financières pour valoriser la chaleur fatale dans l’industrie ? 

L’ADEME accompagne les industriels qui souhaitent valoriser leur gisement de chaleur fatale via le Fonds Chaleur. En plus de la production de chaleur renouvelable à partir de la biomasse, de la géothermie et du solaire thermique, ce Fonds prévoit des aides pour la récupération de la chaleur industrielle et le développement des réseaux de chaleur. Ne sont pas éligibles :  

  • Les installations de récupération et de valorisation sur un même équipement ; 
  • Les installations de valorisation de la chaleur produite par cogénération.