Loi AGEC : genèse, mesures phares et premier bilan
Publié le 10/04/2024 4 minutes de lecture
Malgré des mesures fortes, voire historiques, la loi AGEC se heurte aujourd’hui aux difficultés du terrain. On fait le bilan, quatre ans plus tard.
Quatre ans de la loi AGEC : genèse, mesures phares et bilan
Prolongement logique des directives européennes sur l’environnement et des engagements de la France à l’international, la loi AGEC fait partie des productions législatives les plus ambitieuses à l’échelle mondiale sur le volet de la promotion de l’économie circulaire.
Malgré des mesures fortes, voire historiques, la loi AGEC se heurte aujourd’hui aux difficultés du terrain. On fait le bilan, quatre ans après.
Loi AGEC : la genèse et le contexte d’une loi ambitieuse
La loi AGEC trouve son fondement dans une série de directives et règlements de l’Union européenne qui incitent les États membres à engager leur transition écologique et à jeter les bases de l’économie circulaire ou, à minima, d’une économie plus circulaire. Elle traduit également les engagements de la France à l’échelle internationale.
La loi AGEC, une suite logique des directives européennes transposées dans le droit français
Concrètement, la loi AGEC découle de trois directives européennes :
- La directive (UE) 2018/851 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 2008/98/CE relative aux déchets. Cette directive a renforcé les exigences en matière de gestion des déchets à l’échelle de l’UE en fixant des objectifs de recyclage ambitieux pour les États membres, notamment d’atteindre un taux de recyclage de 65 % des déchets municipaux à l’horizon 2035 ;
- La directive (UE) 2018/852 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 modifiant la directive 94/62/CE sur les emballages et les déchets d’emballages. Elle vise à augmenter les taux de recyclage des matériaux d’emballage à au moins 70 % en poids d’ici 2030, en agissant sur les deux variables que sont la production de déchets d’emballage et le taux recyclage ;
- La directive 2009/125/CE qui établit un premier cadre pour la définition du concept d’écoconception. Adoptée le 21 octobre 2009, cette directive de l’Union européenne a été la première à mettre sur la table la question de l’efficacité énergétique et la performance environnementale globale des produits qui consomment de l’énergie, depuis leur conception jusqu’à leur fin de vie. Elle reconnaît que l’impact environnemental d’un produit est principalement déterminé lors de sa phase de conception.
Ces directives ont instauré des cadres réglementaires pour améliorer la gestion des déchets mais aussi encourager la conception de produits plus durables afin de faciliter leur réemploi et leur recyclage.
La loi AGEC est donc née de la transposition française d’un ensemble de directives européennes, avec des mesures mieux-disantes et des objectifs plus ambitieux, comme nous allons le voir.
La loi AGEC traduit les engagements internationaux de la France
La loi AGEC s’inscrit également dans le cadre de l’engagement de la France à œuvrer pour les Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations Unies, adoptés en 2015. En particulier, l’ODD 12 vise à assurer des modes de consommation et de production durables, avec notamment la réduction de la production de déchets, le recyclage et la baisse de l’empreinte écologique des activités humaines au sens large.
Si la loi AGEC s’inscrit indubitablement dans ce contexte législatif international, elle reflète également une évolution dans la perception publique et politique de l’urgence écologique.
Qu’est-ce que la loi AGEC ?
La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, désignée sous l’acronyme AGEC, est un texte législatif majeur adopté par le Parlement français le 10 février 2020.
Cette loi incarne un changement de paradigme en matière de gestion des ressources et des déchets en France et vise à instaurer un modèle économique plus durable : l’économie circulaire.
Pour mener à bien son projet ambitieux de lutter contre toutes les formes de gaspillage, la loi AGEC poursuit cinq grands objectifs : sortir du plastique jetable, mieux informer les consommateurs, lutter contre le gaspillage et encourager le réemploi solidaire, agir contre l’obsolescence programmée et mieux produire (écoconception). Voyons chaque objectif en détail.
#1 Sortir du plastique jetable
Cet axe vise à réduire l’usage du plastique à usage unique pour arriver au zéro plastique jetable d’ici 2040 avec des objectifs intermédiaires tous les cinq ans pour orienter le changement progressif vers des alternatives plus durables.
Dès le 1er janvier 2021, les contenants en polystyrène expansé pour la restauration rapide ont été interdits. Un an plus tard, ce sont les sachets de thé en plastique, les jouets en plastique offerts dans les menus enfants et les confettis en plastique qui ont été interdits.
En 2021, l’expédition sous emballage plastique pour la presse et la publicité a été restreinte.
Pour encourager la réutilisation et le recyclage, la loi a introduit un système de consigne mixte pour les bouteilles en plastique, mais ce dernier reste peu appliqué. Le vrac est promu comme moyen de diminuer les emballages, avec la possibilité pour les consommateurs d’apporter leurs propres contenants dans les commerces depuis le 1er janvier 2021.
La loi renforce l’interdiction des sacs en plastique en interdisant leur importation, leur fabrication ainsi que leur mise à disposition. Enfin, tous les nouveaux lave-linges devront être équipés d’un filtre à microfibres plastiques à partir du 1er janvier 2025 pour limiter la pollution par les microplastiques.
#2 Mieux informer les consommateurs
Cet axe cible l’amélioration de la transparence et de l’accessibilité des informations relatives à la gestion des déchets et à l’impact environnemental des produits. Cette initiative vise à responsabiliser les consommateurs en leur apportant les outils nécessaires pour faire des choix plus éclairés et durables.
La loi AGEC a par exemple rendu obligatoire l’utilisation du logo « Triman » sur tous les produits et emballages, accompagné d’informations claires sur les modalités de tri. Les consommateurs peuvent ainsi mieux identifier les produits recyclables et comprendre comment les trier correctement.
La loi exige que les informations sur la présence de perturbateurs endocriniens soient rendues publiques par les fabricants. Elle instaure également une méthodologie obligatoire pour l’affichage environnemental, notamment à destination des secteurs du textile et de l’alimentation.
💡 À savoir Entre 10 000 et 20 000 tonnes de produits textiles sont détruits chaque année en France. C’est l’équivalent du poids de deux tours Eiffel. |
Les fournisseurs d’accès internet et les opérateurs mobiles sont tenus d’informer leurs clients sur les émissions de gaz à effet de serre liées à leur utilisation d’internet et de leur mobile.
Enfin, cet axe revoit largement les conditions de la garantie :
- Allongement de la présomption des défauts pour un produit d’occasion. La loi AGEC a en effet doublé le délai de présomption des défauts de conformité pour les produits d’occasion, passant de 6 à 12 mois. Si un défaut apparaît dans les 12 mois suivant l’achat d’un produit d’occasion, il est présumé avoir existé au moment de l’achat ;
- Mention obligatoire de la garantie légale de conformité. Depuis le 1er janvier 2022, les vendeurs doivent indiquer explicitement la garantie légale de conformité et sa durée sur la facture du produit et/ou le ticket de caisse. Le non-respect de cette obligation expose le vendeur à une amende administrative pouvant aller jusqu’à 3 000 € pour une personne physique et 15 000 € pour une personne morale ;
- Extension de la garantie après réparation. Si un produit est réparé dans le cadre de la garantie légale de conformité dans les deux ans suivant son achat, la durée de la garantie est prolongée de 6 mois supplémentaires, ce qui porte la garantie totale à 30 mois.
💡 À savoir Selon une enquête de l’UFC-Que Choisir, seuls 57 % des vendeurs informent leurs clients de la durée légale de la garantie de conformité de 2 ans. |
#3 Lutte contre le gaspillage et pour le réemploi solidaire
L’axe 3 interdit la destruction des invendus non alimentaires et exige que les entreprises optent plutôt pour le don ou le recyclage. Cette mesure, en vigueur depuis le 1er janvier 2022 pour les produits déjà soumis à une filière REP (responsabilité élargie du producteur) et depuis le 31 décembre 2023 pour les autres, vise à réduire le gaspillage et encourager une consommation plus responsable.
La loi renforce les sanctions en cas de non-respect de l’interdiction du gaspillage alimentaire, avec des amendes modulables pouvant atteindre 1 % du chiffre d’affaires pour les infractions les plus graves.
Des fonds dotés de plus de 50 millions d’euros par an ont été créés pour financer des initiatives de réemploi et de recyclage. Cette dotation financière vient encourager les acteurs de l’économie sociale et solidaire dans leurs efforts de réduction des déchets.
La vente de médicaments à l’unité est autorisée pour diminuer le gaspillage médicamenteux et permettre une consommation plus ajustée aux besoins réels des patients. La loi met aussi fin à la distribution des imprimés publicitaires non sollicités contenant des huiles minérales afin de réduire la quantité de déchets papier.
💡 À savoir Chaque année, plus de 18 milliards d’imprimés se retrouvent dans les boîtes aux lettres des Français. Ce sont donc plus de 800 000 tonnes de papier, soit 30 kg par foyer et par an, qui finissent à la poubelle. Les encres de ces imprimés sont, pour leur grande majorité, issues d’huiles minérales non biodégradables et polluantes. |
La loi vise également l’amélioration de l’accessibilité et de l’écologie du matériel médical pour les personnes à mobilité réduite en favorisant l’utilisation de pièces issues de l’économie circulaire et le don à des associations pour le reconditionnement.
Enfin, pour combattre le gaspillage de papier, la loi stipule l’arrêt de l’impression systématique des tickets de caisse et de carte bleue, sauf sur demande du consommateur.
#4 Agir contre l’obsolescence programmée
Dans le cadre de son quatrième axe, la loi AGEC introduit des mesures ciblées pour allonger la durée de vie des produits, faciliter leur réparation et réduire ainsi leur impact environnemental. Cinq grandes mesures ont été déployées.
L’indice de réparabilité
Depuis le 1er janvier 2021, l’indice de réparabilité est devenu obligatoire pour certaines catégories de produits électriques et électroniques (smartphones, ordinateurs portables, machines à laver à hublot, téléviseurs et tondeuses à gazon électrique).
Cet indice, apposé sur le produit ou son emballage, informe le consommateur sur la facilité de réparation du produit (note sur 10). L’objectif ici est d’inciter les fabricants à concevoir des produits plus facilement réparables et les consommateurs à prendre en compte la réparabilité dans leurs décisions d’achat.
Faciliter la réparation et favoriser l’utilisation des pièces détachées d’occasion
La loi prévoit de rendre la réparation plus accessible et d’encourager l’utilisation de pièces détachées issues de l’économie circulaire. Concrètement, le vendeur a désormais l’obligation de communiquer au consommateur qui le demande l’état du stock en pièces détachées du produit acheté.
Information sur la durée de mise à jour des logiciels
Pour les ordinateurs et les smartphones, la loi introduit l’obligation pour les fabricants d’informer le consommateur sur la durée pendant laquelle les mises à jour des logiciels seront disponibles. Objectif : permettre au consommateur de mieux anticiper la durée de vie utile de ses appareils.
Création de fonds pour la réparation
La loi prévoit la mise en place de fonds destinés à soutenir financièrement les initiatives de réparation.
Impression 3D pour la réparation
La loi encourage l’utilisation de l’impression 3D comme moyen de fournir des pièces détachées pour la réparation des objets. Elle ouvre ainsi la voie à des solutions innovantes pour prolonger la durée de vie des produits.
#5 Mieux produire
Le 5e axe de la loi AGEC prévoit l’augmentation de la productivité matière dans la production de l’acier, de l’aluminium, du papier, du carton, du verre et du plastique. Il est estimé qu’une augmentation de 30 % de cette productivité permettrait une réduction de 3 % des émissions de CO2 en France. La réduction de l’empreinte carbone qui en résulterait est équivalente à la fermeture des quatre centrales à charbon du pays.
En termes d’impact économique et social, loi se veut un vecteur majeur de création d’emplois dans le secteur de l’économie circulaire. Une étude de France Stratégie évalue à 800 000 le nombre d’emplois déjà existants dans ce domaine. La loi devrait créer 300 000 emplois supplémentaires (non délocalisables) dans les secteurs du réemploi, de la réparation, du recyclage des ressources, notamment des plastiques, et dans les services liés à l’économie de la fonctionnalité.
Sur le plan des collectivités, la loi vise plus de 500 millions d’euros d’économies annuelles grâce à la mise en place de nouvelles filières pollueur-payeur.
Ces filières ont pour but de transférer la charge de la gestion de certains déchets des collectivités territoriales vers les acteurs économiques responsables de leur production. Les économies réalisées par les collectivités seraient substantielles, avec par exemple 160 millions d’euros pour une meilleure prise en charge des lingettes imbibées ou encore 10 millions d’euros pour la gestion des mégots. Ces économies permettraient de lutter plus efficacement contre les dépôts sauvages, un fléau qui coûte aujourd’hui entre 340 et 420 millions d’euros par an aux collectivités territoriales.
Quatre ans après son entrée en vigueur… quel bilan pour la loi AGEC ?
Un regroupement d’ONGi a diffusé un rapport qui dresse le bilan de la loi AGEC quatre ans après son entrée en vigueur. Si la loi est indéniablement ambitieuse dans ses objectifs de transformation des modes de production et de consommation, elle s’est heurtée à plusieurs obstacles majeurs.
Premièrement, les pressions exercées par certains acteurs économiques ont poussé le législateur à intégrer plusieurs exemptions qui ont affaibli la portée de certaines dispositions. Par exemple, l’interdiction de la mise en vente de fruits et légumes sous emballage plastique a été considérablement édulcorée, avec des exemptions définitives pour 29 types de fruits et légumes, et même un report de l’entrée en vigueur de l’interdiction.
Ensuite, l’absence d’un exercice rigoureux des pouvoirs de contrôle et de sanction par les autorités a limité l’efficacité de la loi. Plusieurs mesures emblématiques, comme l’obligation de vaisselle réemployable dans la restauration sur place, n’ont pas été appliquées de manière satisfaisante, en partie à cause d’un manque de contrôles et de la faiblesse des sanctions encourues.
Troisièmement, la loi a souffert de ses propres insuffisances. Si elle visait à engager un véritable changement de cap vers une économie plus circulaire, certains aspects, comme le développement du réemploi et la lutte contre l’obsolescence programmée, n’ont pas été suffisamment soutenus par des mesures concrètes et incitatives. Par exemple, le dispositif de fonds pour la réparation s’est avéré peu attractif, avec une utilisation minime des fonds alloués.
Enfin, la mise en œuvre de la loi a révélé un retard dans l’application de mesures clés, comme la réduction des bouteilles en plastique et la mise en place du tri à la source des biodéchets. Ces retards compromettent l’atteinte des objectifs fixés et reflètent un manque d’accompagnement et de pilotage par les pouvoirs publics.
Face à ces constats, les associations appellent à un renforcement des contrôles, à l’application effective des sanctions prévues par la loi et à une révision lucide des textes réglementaires pour réaligner la mise en œuvre de la loi AGEC sur ses objectifs initiaux. Vous pouvez consulter l’intégralité du bilan ici.
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