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« Les JO 2024 nous ont permis de gagner 10 ans pour la qualité de la Seine »

Publié le 24/10/2023      3 minutes de lecture

Dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques de 2024, il est prévu d’organiser plusieurs épreuves sportives dans la Seine. Cela va nécessiter un véritable plan Marshall pour l’assainissement, qui était nécessaire à plus long terme mais qui aurait pris bien plus de temps sans cet ultimatum olympique, selon Pierre Rabadan, maire adjoint à la ville de Paris en charge du dossier.

Portion de la Seine à Paris

© Jean Robert Thibault / Creative Commons Attribution-Share Alike 2.0 Generic license

CHIFFRES-CLÉS

1000 UFC : la norme de qualité eau de baignade est défini par une concentration maximale en Escherichia coli (les micro-organismes indiquant la présence de contamination fécale). Elle doit être inférieur à  1 000 unités formant colonie (UFC) pour 100 ml d’eau.

Chirac, alors maire de Paris, en avait rêvé, sans jamais joindre la parole aux actes. 30 ans après, la baignade à Paris est plus que jamais d’actualité. C’est même le point d’orgue de la candidature victorieuse de Paris à l’organisation des Jeux olympiques de 2024. Plusieurs épreuves doivent en effet se tenir dans un an : la natation marathon sur 10 km pour les Jeux olympiques, et les épreuves de natation des triathlons des Jeux olympiques et paralympiques.

Le pari est risqué, car les normes sanitaires d’une qualité « eau de baignade » sont très strictes. « Cela implique le zéro défaut », nous explique un des experts de l’assainissement (un ingénieur territorial d’une des collectivités impliquées) qui travaille sur ce sujet titanesque,  et qui préfère garder l’anonymat (1), seuls les élus semblant être habilités à s’exprimer. Il faut dire que le sujet est devenu très politique, car un échec – c’est-à-dire l’annulation de ces épreuves – serait une claque cinglante pour la maire de Paris, l’État et tout le Comité d’organisation.

Lutter contre les mauvais branchements

C’est un véritable plan Marshall qui a été lancé en 2016 pour atteindre cet objectif, avec à la clé 1,4 milliard d’euros d’investissements. Quatre axes de travail ont été fixés pour éliminer toute pollution de la Seine :

  • prioriser les rejets,
  • réduire les mauvais branchements,
  • améliorer la gestion des eaux pluviales,
  • lutter contre la pollution des bateaux et établissement flottants.

Le plus gros du chantier concerne les réseaux d’assainissement. Le système actuel n’a pas été pensé pour protéger la Seine, bien au contraire : « à l’origine, il fallait rendre les villes plus saines et propres, et éloigner les eaux usées à l’aval de Paris. Entre temps, les populations ont augmenté, et les surfaces imperméabilisées ont explosé, augmentant plus encore le volume des eaux polluées à gérer. Mais le réseau a ses limites », rappelle Franco Novelli, expert technique du cycle de l’eau à la FNCCR.

La ville de Paris et celles de banlieue n’ont d’ailleurs pas le même historique. Dans la capitale, les égouts ont été construits pour récupérer les eaux usées ainsi que les eaux de pluie. Mais ce torrent d’eaux peut saturer le système d’assainissement, si bien qu’il faut utiliser des « déversoirs d’orages » qui envoient alors le mélange d’eaux polluées directement dans la Seine.

En banlieue, c’est au petit bonheur la chance : parfois le réseau est unitaire (tout est mélangé) comme à Paris, parfois il est séparatif (eaux usées et eaux de pluies sont gérées par des tuyaux différents). Le problème, c’est que les branchements des habitations sur le réseau ont parfois été mal faits. On compte en effet des dizaines de milliers de mauvais raccordements, qui envoient les eaux usées dans le réseau d’eaux pluviales (qui part ensuite dans le milieu naturel), ou  l’inverse (les eaux de pluies viennent surcharger le réseau d’assainissement). Un vrai bazar.

Difficile de connaitre le nombre exact de ces mauvais raccordements, car ils sont sous terre et difficilement contrôlables. Selon Pierre Rabadan, adjoint à la maire de Paris en charge des sports, des JO, et de la Seine, il y en aurait 25 000 dans la métropole. Un quart d’entre eux aurait déjà été refaits dans le cadre du « plan baignade ». « L’objectif est d’arriver à en résoudre 50% d’ici un an, car les 50% restants ne dégradent pas de manière significative la qualité de l’eau », estime-t-il.

JO 2024 : un « formidable accélérateur »

Le problème des mauvais branchements est connu depuis longtemps au Siaap. Mais les identifier et les réparer prends énormément de temps. Sauf que… « Avec les JO, tout a changé. Ça a été un formidable accélérateur », s’enthousiasme notre expert anonyme, qui l’impute au portage politique.

Pour Sylvain Rotillon, expert de l’eau passé par la Ville de Paris, l’Onema (devenu l’OFB) ou encore le ministère en charge de l’Écologie, « le monde de l’eau parisien et des services de l’État a vu dans les JO une opportunité d’améliorer la qualité de l’eau de la Seine et d’atteindre les objectifs de la DCE (la directive-cadre sur l’eau, qui demande d’atteindre un bon état écologique des masses d’eau en 2027, Ndlr).  Pour une fois qu’on a de l’argent pour la politique de l’eau, se sont-ils dit … Le fait que l’objectif soit difficilement atteignable le Jour J ne les a donc pas gêné ! ».

Rien n’est trop beau pour résorber ce fléau des mauvais raccordements. Certains maires ou présidents d’établissements publics territoriaux (EPT) l’ont bien compris, et se sont retroussés les manches…  parfois en échange d’un coup de pouce du préfet pour faire avancer un autre dossier.