Label bas-carbone (LBC) : comprendre ce levier de décarbonation en 5 minutes chrono 

Publié le 27/09/2023      4 minutes de lecture

Initié en France dans le sillage du projet Vocal et concrétisé en 2018, le Label bas-carbone (LBC) est un outil inédit de la Stratégie Nationale Bas-Carbone, en ce sens qu’il mise sur une approche nationale de la compensation carbone (par opposition à la méthode « universelle »).

Scénario bâtiment label carbone

Scénario bâtiment label carbone

Label bas-carbone : genèse, principe et singularité par rapport aux initiatives antérieures  

On retrouve la première occurrence d’un label « bas-carbone » dans le projet dit « Vocal », qui donnera naissance à l’Agence française de développement (AFD), financée par l’État, l’UE et l’ADEME. La réflexion autour de ce label écologique avait alors été confiée à l’Institut de l’Économie pour le Climat (I4CE) au milieu de la décennie 2010, aboutissant à la création du Label bas-carbone par le décret n° 2018-1043 du 28 novembre 2018, qui sera par la suite modifié en mars 2022.  

Cet outil s’inscrit dans le cadre de la Stratégie Nationale Bas-Carbone établie par l’État qui prévoit la réduction des émissions des gaz à effet de serre (GES) et le recours à des puits de carbone pour soustraire le CO2 de ces émissions En ligne de mire : la neutralité carbone à l’horizon 2050. 

Fondamentalement, le LBC est un label de compensation carbone. Ce concept permet aux entreprises, collectivités et même aux particuliers de compenser leurs émissions de GES en finançant des projets qui réduisent ou capturent une quantité équivalente de GES « ailleurs ». Il s’agit, en somme, de compenser les émissions de GES inévitables ou difficilement évitables par des actions de compensation. Ce paradigme n’est pas inédit, mais le Label bas-carbone introduit un certain nombre de nouveautés, sans doute inspirées par l’échec ou les résultats mitigés d’initiatives passées similaires dans le cadre de la transition écologique :  

  • La compensation carbone est comptée à l’échelle nationale. Ce choix est salutaire dans la mesure où les projets de compensation mis en œuvre à des milliers de kilomètres de l’emplacement des émissions effectives posent des problèmes de contrôle et de conformité. Citons l’exemple typique des plantations d’arbres en Amérique du Sud pour compenser les émissions de gaz à effet de serre d’une usine européenne ou asiatique ; 
  • Le contrôle de l’Etat est une garantie contre les dérives de la « déculpabilisation marketing » en entreprise, notamment après le scandale des projets de compensation certifiés Verra. Ces derniers étaient fictifs à hauteur de 96,5 % (voir cette chronique de l’édition du 29 janvier 2023 du journal Le Monde) ;  
  • Cette vocation nationale, incluant les territoires ultra-marins, doit également contribuer au dynamisme économique des territoires.   

Les trois acteurs du Label bas-carbone

Rigoureux, détaillé et (bien) documenté, le Label bas-carbone s’inspire des écueils du passé et s’impose comme un outil actionnable par les entreprises et les collectivités qui souhaitent compenser leurs émissions de GES afin de répondre à des obligations légales, à titre volontaire et/ou pour des raisons plus business, par exemple :  

  • Dans un souci de conformité, pour accéder à de nouveaux marchés et se positionner sur des segments où l’engagement solidaire et la fibre écologique sont valorisés, voire exigés par les acheteurs ; 
  • Renforcer l’image de marque et la réputation de l’entreprise en tant qu’acteur responsable et engagé dans la lutte contre le réchauffement climatique ;  
  • Développer la marque employeur de l’entreprise pour attirer et fidéliser les meilleurs talents, surtout auprès de la jeune génération qui valorise l’engagement éthique et écologique ; 
  • Anticiper le durcissement plus que probable de la réglementation en matière d’émissions de GES en mettant en œuvre des mesures mieux-disantes (que les obligations légales actuelles) ; 
  • Minimiser le risque associé au réchauffement climatique, comme la volatilité des prix des matières premières et les perturbations de la chaîne d’approvisionnement. 

Concrètement, le Label bas-carbone est porté par trois acteurs :  

  1. Les porteurs de projet Label bas-carbone (évitement des émissions de GES et/ou augmentation de la séquestration de carbone dans les puits naturels). Il peut s’agir de personnes physiques ou morales. Dans la pratique, de nombreux acteurs mutualisent leurs expertises ainsi que les coûts et se rassemblent pour construire un projet collectif LBC ; 
  1. Les financeurs des projets Label bas-carbone, qui peuvent être des citoyens, des entreprises ou des collectivités. Le statut juridique du financement des projets a été clarifié par l’arrêté du 28 novembre 2022. Il s’agit désormais d’une prestation de services de compensation. Les financeurs intéressés peuvent s’inscrire ici ; 
  1. L’État, par le biais de différentes structures, facilite la mise en relation des porteurs de projet LBC et des financeurs, approuve les méthodes sectorielles avec le concours d’experts, procède à la labellisation des projets, constate puis enfin reconnaît les réductions des émissions de GES. La vérification est réalisée avec le concours d’un auditeur indépendant. 

Le site du ministère de la Transition Écologique dresse une liste exhaustive de l’ensemble des projets labellisés bas-carbone. Cette dernière est mise à jour deux fois par mois. Quelques exemples de projets LBC en cours de mise en œuvre :   

  • En Nouvelle Aquitaine, un projet de balivage de taillis bien venants de châtaigner est financé à 100 % (par la Banque Postale notamment), pour un coût total de 16 200 € avec des réductions d’émissions de gaz à effet de serre potentielles de 514 tCO2 ; 
  • En Auvergne-Rhône-Alpes, un projet de reconstitution d’une forêt détruite par les incendies est financé par la Banque Postale et un particulier, à hauteur de 41 549 €, avec pour objectif de réduire 697 tCO2 à terme. Une partie du reboisement a été réalisée avec l’essence emblématique qu’est le pin de Salzmann, le reste donnant l’opportunité aux porteurs de projet LBC de réaliser un reboisement inédit associant dix essences de feuillus mélangés (meilleure résilience, diversité biologique, séquestration de carbone, stabilisation des sols, etc.) ; 
  • En juillet 2022, l’État a procédé à la labellisation d’un projet LBC d’envergure nationale pour la plantation de nouveaux vergers de fruits à coques, châtaigniers et noyers en remplacement de grandes cultures et prairies, avec une part de variétés anciennes et biologiques. Les réductions d’émissions de gaz à effet de serre potentielles s’élèvent à 2 007 tCO2, soit l’équivalent de 3 344 vols Paris – New York. Ce projet LBC est financé par TF1 Publicité et un financeur anonyme. 

A l’occasion d’un déplacement en Ardèche, le 26 août 2021, la ministre de la Transition Écologique de l’époque, Barbara Pompili, a concédé que le Label bas-carbone devait être mieux promu et dynamisé et a reconnu un défaut de communication. Depuis, plusieurs mesures ont été mises en œuvre en ce sens :  

  • Diffusion de communiqués de presse et de lettres d’information à chaque approbation de nouvelle méthode. Dans le contexte du LBC, la « méthode » désigne le cadre qui permet d’évaluer les réductions des émissions de GES qui découlent du projet et qui en détermine les conditions d’éligibilité et de vérification à terme ; 
  • Lancement du site du Label bas-carbone ; 
  • Promotion du Label bas-carbone dans la loi Climat et résilience ; 
  • Déconcentration de l’instruction des projets LBC, désormais à la charge des Directions Régionales de l’Eau, de l’Aménagement et du Logement ; 
  • Allègement des procédures de financement des projets LBC ; 
  • Renforcement de l’expertise scientifique, avec notamment la mise en œuvre d’une consultation du public pour chaque nouvelle méthode précédant les réunions d’un groupe scientifique et technique. 

Un effort a également été fait sur la « barrière à l’entrée » de la labellisation bas-carbone. Pour augmenter le nombre de projets éligibles, l’État a validé quatre nouvelles méthodes :  

  • Baisse des émissions de GES et stockage de carbone dans le domaine des grandes cultures ;  
  • Amélioration de la qualité de l’alimentation des bovins laitiers dans l’objectif de baisser les émissions de méthane ;  
  • Baisse des émissions de GES via la réduction de l’utilisation des intrants, notamment fertilisants et phytosanitaires ;  
  • Le recours aux matériaux issus du réemploi, bas-carbone ou biosourcés dans des projets de rénovation (bâtiment). 

Enfin, l’État a lancé une grande réflexion pour développer des méthodes par secteur, avec en priorité celui des transports qui génère 28.7 % des émissions de GES en France. 

Malgré des débuts timides, le Label bas-carbone semble sur la bonne voie, notamment auprès des acteurs de l’agriculture et de la forêt. L’intérêt des organisateurs des JO de Paris 2024 pour ce label lui a par ailleurs assuré une belle médiatisation. 

Pour aller plus loin sur le Label bas-carbone :