La durabilité du secteur du numérique reste perfectible

Publié le 10/08/2023  4 minutes de lecture

La décarbonation du numérique passe par le recyclage et la sobriété. Sur ces deux points, les évolutions constatées n’incitent pas à l’optimisme.

La durabilité du secteur du numérique reste perfectible

Le secteur du numérique pèse actuellement 2,5 % de notre bilan carbone selon une étude ADEME-Arcep publiée en 2022. Si rien n’est fait, ses émissions de CO2 exploseront de 45 % d’ici 2030
et quintupleront d’ici 2050. La fabrication des terminaux représente l’essentiel de cette pollution. 
 

À l’occasion d’une réunion du Haut Comité pour le Numérique Responsable, le gouvernement a présenté mardi 4 juillet 2023
une feuille de route. Elle propose notamment de rendre les objets numériques facilement réparables, augmenter la durée de mise à jour des logiciels, renforcer la filière de recyclage, former le public
à plus de sobriété, lutter contre l’obsolescence. Seul problème,
ces préconisations ne présentent aucun caractère obligatoire.

Allonger la durée de vie d’un produit 

En 2022, les appareils électriques et électroniques produisaient
1,8 million de tonnes de déchets. Le taux de collecte atteint 50 %, dont 80 % sont recyclés. Conserver le plus longtemps possible le matériel apparaît fondamental : en effet utiliser
une année de plus un smartphone réduit son empreinte écologique de 25 %.  

Dans son étude, l’ADEME donne quelques ordres de grandeur : « Remplacer un ordinateur portable neuf par un reconditionné permet d’éviter l’extraction de 127 kg de matière par année d’utilisation ainsi que la production de 314 g de déchet électronique». L’ADEME préconise un approvisionnement local et un reconditionnement réalisé le plus tard possible et avec des pièces de seconde main.  

Le reconditionnement face à l’obsolescence programmée 

Acheter un téléphone intelligent reconditionné divise par huit son impact environnemental. « Ils représentent aujourd’hui à peu près 20 % du marché », estime Raphaël Guastavi, directeur adjoint du service économie circulaire de l’ADEME.   

Qu’il s’agisse de places de marché comme Amazon ou Back Market, de reconditionneurs ou d’opérateurs télécoms, de plus en plus d’acteurs investissent le secteur du reconditionnement.
Le gouvernement français a mis en place en décembre 2022 un « bonus réparation » pour inciter les consommateurs à faire
réparer leurs appareils. Il devrait être étendu et revalorisé fin 2023. Le coup de pouce pour un ordinateur passera par exemple de 45 à 50 €.  

Mais à l’heure où de nombreuses marques pratiquent l’obsolescence programmée, l’allongement de la durée de vie des appareils numériques fait parfois figure de gageure. Les concepts de réparabilité et de reconditionnement se heurtent à la volonté de beaucoup de leaders du marché. Ces derniers visant un taux de renouvellement important.   

« L’obsolescence programmée reste très difficile à prouver », constate Raphaël Guastavi. « Seul Apple a accepté une amende pour éviter d’aller au procès. Parfois sous la contrainte, tous les fabricants font des efforts pour réduire leur empreinte carbone. Mais leurs business modèles les conduisent à pousser les consommateurs à changer régulièrement d’équipement. C’est un point paradoxal ».  

Entraves à la réparation

L’association Halte à l’Obsolescence Programmée lutte contre ce fléau. « Si les citoyens ont un rôle important à jouer, les fabricants
et distributeurs qui favorisent l’obsolescence programmée doivent être dénoncés 
», affirme son manifeste. HOP a porté plainte contre Apple le 7 décembre 2022 pour obsolescence programmée et entraves à la réparation. L’association espère que l’enquête ouverte par le Procureur de la République «permettra de sanctionner le caractère délictuel des pratiques de sérialisation. Une première plainte déposée par HOP avait valu à Apple de verser 25 M€ au Trésor français en 2020 ». La sérialisation consiste à associer les numéros de série des pièces détachées à celui d’un smartphone. Le fabricant peut ainsi restreindre la réparation par des professionnels non agréés ou dégrader à distance un smartphone réparé avec des pièces génériques. L’association dénonce le programme Self Service Repair d’Apple, « cher et absurde. Il faut par exemple commander deux valises d’outils de 35 kg pour réparer une batterie ».  

En 2017, HOP a également déposé une plainte contre Epson pour obsolescence programmée. « L’imprimante signale que les cartouches sont vides alors qu’elles contiennent 20 à 40 % d’encre ». Récemment, les associations de défense des consommateurs de cinq pays (Belgique, Espagne, Italie, Portugal et Brésil) ont mis en demeure Hewlett-Packard (HP). Elles lui reprochent «d’avoir délibérément bloqué l’utilisation d’autres cartouches d’encre que les siennes via des mises à jour logicielles ». 

En 2024, les équipements électriques et électroniques devront afficher un « indice de durabilité ».  Raphaël Guastavi annonce qu’il prendra en compte « la disponibilité des pièces, la facilité de réparabilité, l’obsolescence logicielle. Cela pourra influer sur le comportement des consommateurs. Nous évoluons dans une société de libre marché et c’est aux clients d’aller vers des marques qui suivent une stratégie durable ».  

Par la Rédaction decarbonation2030