Face au manque d’eau, la Cour des comptes appelle à revoir le modèle actuel

Publié le 11/09/2023  4 minutes de lecture

par la rédaction de « La Gazette des communes »

Dans un rapport publié le 19 juillet 2023, la Cour des comptes propose de revoir le modèle français de la gestion de l’eau pour s’adapter à l’impact du changement climatique. Cela passera par une meilleure connaissance des prélèvements et une nécessaire réduction des volumes prélevés. La responsabilisation du monde agricole et la gouvernance locale de l’eau doivent également être renforcées.

Une secheresse

C’est sans doute sur la gestion de l’eau que les effets du changement climatique se font de plus en plus sentir. C’est la raison pour laquelle la Cour des comptes s’est penchée sur cette épineuse question, d’autant que « toutes les études prospectives laissent penser que la situation ira en s’aggravant dans les décennies qui viennent », pointe le rapport publié le 19 juillet par la Cour.

Le climat change déjà la donne

 L’impact du changement climatique se fait déjà sentir : la quantité d’eau renouvelable disponible (197 milliards de m3 en France métropolitaine) a baissé de 14 % entre la période 1990-2001 et la période 2002-2018, du fait « de l’élévation du niveau moyen des températures de 0,6 °C ».

Sur cette quantité, 32 milliards de m3 sont prélevés, majoritairement dans les eaux de surface (82 %). Or ces masses d’eau sont les plus impactées par les effets du changement climatique, « avec des étiages de plus en plus longs et sévères qui contraignent les préfets à prendre des mesures de plus en plus fréquentes de restriction des usages de l’eau », selon le rapport.

Les eaux souterraines sont elles aussi affectées par une moins bonne recharge des nappes à l’automne et à l’hiver, les sols étant plus secs et imperméables. Par ailleurs, la Cour dénonce le fait que « 11 % des masses d’eaux souterraines font l’objet de prélèvements excessifs ».

Par contre, les précipitations restent stables (510 milliards de m3 par an), mais réparties différemment : « plus concentrées qu’auparavant sur l’automne et l’hiver », et donc moins disponibles au printemps et à l’été, « lorsque les plantes en ont besoin et que la consommation humaine augmente en raison de la chaleur ».

La qualité de l’eau menacée

Une moindre quantité d’eau a pour effet de concentrer les pollutions, ce qui impacte la qualité de l’eau et l’atteinte du « bon état » des masses d’eaux  (1) qui est exigée par la directive cadre européenne. Dans ce contexte, la Cour estime que l’objectif fixé par le gouvernement – améliorer de 20 % l’état de ces masses d’eau entre 2022 et 2027 – « a très peu de chance d’être atteint » car il faudrait pour cela multiplier par deux ou trois le rythme de progression actuel. Ce qui n’est pas la tendance actuelle, d’autant que l’État peine à avoir une politique claire et efficace sur ce sujet, comme le montrent les dernières déclarations de Bruno Le Maire (lire l’encadré ci-dessous).

FOCUS

L’Etat pioche à nouveau dans les caisses des agences de l’eau

Dans le cadre du Plan eau annoncé en mars dernier, l’Etat avait affirmé sa volonté de donner plus de moyens aux agences de l’eau en supprimant la limitations des recettes de leurs redevances (le fameux « plafond mordant »), et en les autorisant à engager 475 millions d’euros supplémentaires. Par la voix du ministère de l’Économie et des finances, Bruno Le Maire, ce 26 juillet, il a annoncé qu’il allait piocher massivement dans la trésorerie des agences de l’eau. Une décision justifiée par le fait qu’il s’agirait d’un argent non utilisé, alors que Bercy feint de ne pas comprendre que les moyens des agences de l’eau correspondent à des projets d’investissements qui prennent du temps à se monter et sont programmés sur plusieurs années. Une décision incompréhensible qui marque une nouvelle fois le manque de cohérence de l’État sur sa politique de l’eau.

Les Sages de la rue Cambon craignent également que le changement climatique augmente les conflits entre les différents usagers de l’eau. Parmi ceux-ci figurent les collectivités, pour la production d’eau potable, ainsi que le monde agricole pour l’irrigation, les énergéticiens pour le refroidissement des centrales nucléaires (le plus gros préleveur), et d’autres usages pour l’industrie et l’alimentation des canaux.

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