Comment l’épargne verte participe-t-elle à la transition écologique ?  

Publié le 09/08/2023  4 minutes de lecture

par la rédaction de decarbonation2030

L’épargne verte a le vent en poupe. Mais il est souvent difficile pour les épargnants d’y voir clair, et les labels n’excluent pas systématiquement les entreprises présentes dans le secteur des énergies fossiles ce qui fait débat. Alors comment les investissements des Français peuvent-ils réellement financer la transition écologique? Eléments de réponse.  

L'épargne verte hésite entre qualité et quantité

Côté finance verte, le gouvernement français a d’ambitieux objectifs. Le projet de loi sur l’industrie verte voté le 22 juillet 2023 par l’Assemblée nationale comporte un volet épargne, avec la création du « plan épargne avenir climat » réservé aux moins de 18 ans. Exonéré d’impôt, il devrait afficher un taux de rendement supérieur à celui du livret A. La Caisse des Dépôts investira cet argent frais dans des « entreprises vertes », le gouvernement visant une collecte d’un milliard d’euros par an. Parallèlement, une meilleure mobilisation des plans d’épargne retraite et de l’assurance vie devraient drainer quatre milliards vers des projets « verts ». Enfin, un label « industrie verte » viendra aider les investisseurs désireux de contribuer au développement d’une économie durable.  

La finance verte s’articule autour d’obligations vertes, emprunts obligataires destinés à financer la transition énergétique, et de fonds verts investissant dans des entreprises ayant un impact positif sur l’environnement. « La Banque de France estime qu’elle représente 260 milliards d’euros de collecte fin 2021, soit 9 % des placements financiers » explique Philippe Crevel, directeur du Cercle de l’Épargne. 

Plusieurs labels garantissent aujourd’hui le caractère durable des fonds. Le label ISR (Investissement Socialement Responsable) draine à lui seul 75 % de la collecte « verte ». Greenfin se distingue en excluant ceux qui investissent dans des entreprises opérant dans les secteurs du nucléaire et des énergies fossiles. 

L’épargne salariale, premier vecteur de diffusion

Par quels vecteurs sont aujourd’hui distribués ces fonds verts? « Ils sont logés essentiellement dans l’épargne salariale, l’assurance vie et le PER » affirme Philippe Crevel. Parfois aussi dans des PEA, des comptes-titres ordinaires ou les plans d’épargne d’entreprise (PEE).  

Fin septembre 2022, 1 094 fonds ISR totalisant 711 milliards d’encours, et 95 fonds Greenfin pour un encours de 33 milliards d’euros se partageaient l’essentiel du marché selon le ministère de l’Économie, faisant de la France la première place verte européenne.  

 Ces chiffres montrent un réel intérêt des épargnants et répondent à une succession de textes européens et français, dont le SDFR (règlement européen sur la publication d’informations de durabilité dans le secteur des services financiers) publié en mars 2021. Le SDFR prévoit trois catégories de produits (articles 6, 8 et 9). Seuls ceux relevant de l’article 9 poursuivent un objectif d’investissement durable. Les fonds article 8 en font la promotion, mais n’y contribuent pas directement.  

En France, depuis le 1er janvier 2022, la loi Pacte impose aux contrats d’assurance vie multisupports et aux PER d’intégrer au minimum un fonds labellisé ISR, un Greenfin et un Finansol. En juillet 2023, Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a ‘annoncé sa volonté d’inciter fiscalement les Français à flécher leur épargne assurance-vie vers des supports verts. Il envisage également « un cadre réglementaire incitatif » pour les produits d’assurance composés uniquement d’unités de comptes labellisées transition écologique.  

La finance verte doit-elle exclure les énergies fossiles? 

Epsor a publié en 2022 une analyse portant sur plus de 800 fonds d’investissement. Il en ressort que 87 % des fonds labellisés ISR financent au moins une entreprise en lien avec les énergies fossiles. 

Dans un billet intitulé « Les fonds labellisés sont-ils plus verts ? » publié par la Banque de France en mars 2023, les économistes Pierre Bui Quang et David Nefzi démontrent que « l’attribution du label (ISR) n’est pas synonyme d’excellence environnementale ». Ils constatent « qu’un euro pris au hasard dans le capital des fonds labellisés a 40 % de risque d’être « moins vert » qu’un euro pris dans le capital des fonds non labellisés. Ils recommandent pour le label ISR « des critères d’exclusion des industries du charbon et des énergies fossiles non conventionnelles » ».   

Une nouvelle mouture du label ISR devrait sortir fin 2023. « Elle prendra en compte les changements européens et durcira les règles » annonce Pierre Crevel. Un débat est en cours. Faut-il par exemple exclure Total Énergies ? « L’objectif, c’est de drainer un maximum d’épargne vers des investissements durables, de passer à la vitesse supérieure » poursuit Pierre Crevel. Les besoins sont de l’ordre de 40 milliards d’euros. « En étant vertueux à 100 %, nous risquons de détourner les épargnants de ces produits. Il faut du rendement financier, car le rendement moral ne suffit pas. Si une entreprise fait des efforts, il ne faut pas l’exclure » 

par la rédaction de decarbonation2030